J’ai perdu un ami avec qui nous avions décidé d’un commun accord de nous perdre nous-mêmes. C’était un être sensible et engagé, en colère parfois et souvent intransigeant sur la manière de faire et l’art de bien-faire (des fois c’était too much, quand même, hein).
C’était un artiste. Pas de ceux qui promènent leur chien pour se faire des amis, non. Evidemment issu d’une génération avec ses travers, il avait la douloureuse conscience de tous ceux qui ont traversé les époques d’un siècle tumultueux dont les promesses n’ont jamais été tenues.
Il m’a fait découvrir quel intérêt il y avait à aimer le papier, sa texture, la façon dont il reflète ou pas la lumière, la chaleur qu’il dégage… les possibilités qu’il engendre. C’est grandement en partie grâce à lui que j’ai finalement compris que le travail de la photo prenait du temps, que la prise de vue était la clé de l’expression d’une sensation possiblement jamais comprise par personne d’autre que l’artiste lui-même… mais qu’il fallait, qu’il faut la faire. Qu’il faut se donner le mal nécessaire pour la montrer, la partager avec d’autres, quitte à n’en jamais avoir aucun retour, aucune récompense, carrément pas de reward.
C’est le lot de tous, bien que peu le sachent: souffrir.
Ce qu’il y a de plus important dans l’art, c’est le moment où s’agitent les relations qu’il procure, les rencontres vraies et où occurre ce bout de chemin qu’on fait parfois côte à côte, pour le meilleur et pour le pire, bien sûr.
See ya, Denis, you’ll be forever in my soul.
Translation for Debbie (not to say a translation is always a treason)
The loss. Funeral oration for Dennis.
I’ve lost a friend with whom we both agreed to lose ourselves. He was a sensitive and engaged being, sometimes angry and often uncompromising on the approach and on the art of the do good (sometimes, that was a bit “too much”, though).
He was an artist. Not one of those walking the dog to socialize, no. Of course, from a generation with its peculiarities, he had the painful consciousness of all those who’ve been through the times of a rough century which promises were never kept.
He made me discover the good in loving paper, its texture, the way it reflects the light or not, the warm out of it… possibilities it brings. It’s much thanks to him that I’ve finally understood photography work take some time to be done, that shooting was the key of the expression of a sensation possibly never understood by any other people than the artist himself… but that it has to be done, that it is to be done. That one has to make a necessary big effort to show it, to share it with people, even if no return has to be expected, no recompense, no reward at all.
That’s the lot of everyone, while a few got it: suffer.
What is most important in art, is the moment when true relationships are shaking, the real relationships and where happens this part of the road we do side by side, for the best and the worst, of course.
See ya, Dennis, you’ll be forever in my soul.
Voilà, c’est lui:
http://www.bienpublic.com/edition-de-beaune/2013/05/18/il-photographie-la-france-par-amour
http://www.bienpublic.com/edition-de-beaune/2011/08/12/denis-webb-photographe-professionnel-originaire-de-san-francisco-expose-ses-huiles-pour-quelques
J’ai encore bien du mal à me remettre de son départ définitif car notre relation d’artistes, forcément passionnée, nous rendait très proches. J’étais, je pense, une des rares personnes avec qui il conversait en anglais et notre confiance l’un envers l’autre était forte [il suffit pour les confessions, maintenant].
Il m’avait rendu très fier en me disant une fois: “how could that be you speak english like that? you’re French!”
Merci !
A très bientôt! Notre dernière rencontre fut vraiment plaisante, et j’aimerais te dire combien il me plaît de pouvoir converser avec des esprits comme celui que tu offres.
Bises, bien sûr!
Tu es trop bon 🙂