Cette période où la folie l’emporte au sein et au service des dominants fait confondre à certains esprits éveillés l’autorité et l’autoritarisme, maniaque et pervers.
C’est non seulement embêtant, mais très dangereux. Si l’on veut bien considérer les trois états psychiques principaux que sont la névrose, la psychose et la perversion, cette dernière, bien qu’ayant toujours existé, semble l’emporter sur les deux autres à la faveur du cours de l’humanité et des systèmes qu’elle met en place pour sa survie, économiques, politiques et donc sociaux.
Une grande masse de névrosés se contentent d’un déni inconscient de ce dont ils sont l’objet; c’est la vie pensée comme heureuse mais débilitante basée sur la reproduction et la consommation, afin de croire “qu’il en va ainsi”.
Cependant, et bien que ces signaux soient encore faibles et plutôt utilisés comme des outils pervertibles, le mouvement d’émancipation est toujours présent et semble s’attaquer désormais à certaines fondations de la perversion dominatoire, à savoir la sexualité: les femmes et les enfants dénoncent les tortures maltraitantes “communes” et ne se résolvent pas au déni. Une conscientisation du malheur dont l’art est la principale voie d’accès et qui prend la forme politique et sociale de rébellions, de révoltes et de séditions.
Les réponses à cette émancipation saine, dans les régimes politiques les plus variés, sont évidemment l’emploi de la force afin de mater toutes velléités de liberté et de préserver la domination des castes perverses.
Ce qui peut être plus grave encore pour la société, c’est que ceux qui entendent prendre soin d’autrui, afin de réduire la folie auto-destructrice des survivants de maltraitances, peuvent être amenés à confondre des mouvements d’autoritarisme pervers et toxiques avec une autorité saine. Cela est permis par la nature même de la perversion que Racamier et Caillot à sa suite ont tenté de définir avec un certain succès.
Cependant, et il faut y revenir, la nature même de la perversion est indissociable de la jouissance dont elle se nourrit, ce qui en fait un phénomène mouvant dans son immobilisme et insaisissable dans ses contours.
Eiguer tente de son côté de parvenir à cette même fin en s’appuyant sur le groupe plutôt que sur l’individu malade, car cet individu est jouir de folie et amour de la destruction de l’autre dans le cas de la perversion narcissique. La collusion de ces mots antagonistes montre à quel point la tâche est ardue.
Fût une époque où Freud pouvait encore fuir la folie destructrice de la perversion en s’échappant dans un autre pays que le sien où les gouvernants étaient moins sujets à la pédagogie noire qu’à l’amour de la liberté, mais surtout à une certaine modération (si l’on veut bien y croire encore).
Aujourd’hui, dans ces premières décennies du XXIe siècle, l’Homme a atteint sans encore le formuler ni le formater entièrement un régime planétaire.
L’expérience inédite (!) d’un virus de type coronavirus aux symptômes principalement grippaux, dont on ne sait rien de la genèse (c’est à la fois fort ennuyeux et de bien peu d’importance face aux phénomènes politiques construits sur et par sa présence bien réelle) mais dont on sait qu’il a émergé près d’un laboratoire d’ingénierie génétique étudiant à des fins de modification précisément ces virus de chauve-souris, a montré à quel point la bascule dans un régime totalitaire mondial est aisée.
La perversion, disais-je, mène à la psychose. L’inertie de la névrose peut probablement pendant un temps faire contrepoids aux saillies qu’amènent les psychoses dans la société, mais c’est là un équilibre forcément fragile et qui ne repose en rien sur la raison.
Si la perversion s’étend de façon suffisamment globale, la psychose remplacera bientôt la banale névrose pour le malheur de tous.
La névrose est un pis-aller assez confortable et jusqu’à présent assez efficace également. Jusqu’à présent.
La psychanalyse, et par extension toutes les formes thérapeutiques bienveillantes (de celles qui permettent d’aborder la mort en paix, la vie durant), ne peuvent se laisser manier, subrepticement, par un autoritarisme rampant, fruit de la perversion.
J’admets que certaines contingences matérielles puissent, hélas, empêcher un instant les déroulements de cures, mais il faut impérativement et le plus vite possible, dire et montrer à la lumière de l’esprit le phénomène autoritaire en prenant conscience qu’il vient remplacer, de façon éminemment perverse, la saine autorité sans laquelle le sens est inversé pour devenir insensé.
Se dire que l’assurance psychique de l’homme sain est un rempart suffisant aux attaques perverses est un leurre. La fuite était, était!, un moyen terme pour garder une certaine sanité, mais les progrès techniques (surveillance de masse en toutes matières, sociale, médicale, politique, bref, physiologique à défaut d’être encore intégrée au psychisme mécaniquement) sont aujourd’hui mis à la disposition des pervers qui nous gouvernent.
Y a-t-il du beau, du bon et du sacré dans l’humanité, je le crois.
Cependant, et même à des fins personnelles, la foi, la saine lutte ne doit jamais se laisser amadouer par la face perverse de l’hubris.