S’il est une partie délicate concernant la lutherie des instruments à cordes, c’est bien l’association du manche avec le corps de l’instrument.
Dans le cas précis qui m’occupe à présent, il s’avère que la découpe de la caisse a été faite trop profondément pour que l’inclinaison du manche corresponde au plan des cordes et permette un réglage de leur hauteur (par rapport à la touche) seulement via celle du pontet.
Afin de corriger ce défaut, j’ai découvert que le manche avait été calé avec un bout de bois ridicule (épaisseur 2 mm) qui ne permettait pas une symbiose suffisante entre les deux éléments que sont le corps et le manche. De plus, le manque de résistance du vide ainsi créé entre le talon du manche et le corps n’a pas arrangé le vissage et le filetage intérieur en a pris un coup…
Je ne sais pas s’il s’agit du réglage du manche d’origine, mais le travail a été véritablement salopé 🙂
Le meilleur système connu pour régler un manche est celui des guitares acoustiques Taylor qui consiste à insérer de très fines lamelles de bois entre la caisse et le manche afin que celui-ci soit parfaitement aligné. Ce réglage est permis grâce au fait que les manches Taylor sont démontables SANS devoir démonter la caisse.
Chez Taylor, ça se joue au nanomètre mesuré au laser, ce sont des guitares créées et fabriquées industriellement et numériquement.
Et ça marche carrément bien, quand même 😉
Le système de cale utilisé chez Taylor permet donc un réglage ultra précis de l’angle du manche, afin de le positionner sur le point d’équilibre qui donnera le son parfait de l’ensemble à cordes.
Voyez la chose expliquée par Bob Taylor : https://www.youtube.com/watch?v=-2XnmKePcUE
C’est ce qui est appelé le NT neck: https://www.youtube.com/watch?v=sguFTS-Fruc
Pour les fans, toute la fabrication est expliquée en vidéo… n’oubliez pas d’aller voir celles de Larrivée et autres Martin too 😉
C’est donc en m’inspirant du système de Taylor que je vais caler ce manche de façon propre et efficace quant à la transmission du son entre le manche et le corps et tâcher de remédier à ce défaut grossier indigne d’une Mosrite (quand bien même c’est une Avenger MiJ) 🙂
Ayant conservé les chutes de contreplaqué de mon modèle en bois du drakar d’Oseberg, je vais pouvoir les utiliser.
Trouver du contreplaqué de 1,5 mm doit être possible, mais baste, pourquoi ne pas recycler?
Il va s’agir de coller deux parties entre elles, de les percer aux endroits destinés à recevoir les vis, puis de poncer la pièce selon un angle allant de 2 mm environ à 0 d’un bout à l’autre de la pièce.
La continuité de cette planitude inclinée (shim = tapered wedge) de la cale en coin assurera la solidité du montage tout autant que son efficacité mécanique et acoustique.
Une fois le collage effectué avec une colle à bois vinylique sous presse (deux planches et un gros serre-joint, un vieux Canard pour la macule), on ponce selon l’angle désiré, commandé par l’angle fourni par les deux plaques de dimensions différentes.
Le marquage des trous à percer est aisément fait à l’aide d’une cartouche de stylo à bille récupérée dans un stylo palstique cassé et qui passe facilement dans les trous du corps.
On perce à l’aide d’un pointeau pour avant-trous, doucement pour tâcher de ne pas éclater le contreplaqué, on finit à l’aide d’une pointe abrasive conique (meule à rectifier…) sur un Dremmel, afin d’arriver au 4,5 mm de diamètre des vis bois.
Un essai est indispensable, et un ponçage de réglage fin vient terminer le travail 🙂
L’avantage du contreplaqué, c’est évidemment la visualisation facile des épaisseurs lors du ponçage grâce aux couches. l’inconvénient, c’est le risque d’éclatement comme on le voit du côté fin.
Si les vis ont un jeu ou tournent à vide dans le manche, on découpe de fines cales de bois que l’on placera dans les trous afin que les vis retrouvent leur effet de serrage et pour s’assurer de la solidarité effective des éléments.
Pour ceux qui aiment le travail bien fait et l’ingéniosité requise pour se dépêtrer de situations inextricables en matière de lutherie…
https://www.youtube.com/channel/UCdr6rJVSSx54ByuY5U2ohTQ
Pour vendre le matériel de lutherie que Stewart-MacDonald crée et fabrique, la meilleure solution, c’est de former gratuitement à leur utilisation. Bravo et merci pour toutes ces vidéos 🙂